Pour chœur d’enfants, 2 pianos à 4 mains et 2 percussions

Durée : 12′

Commander la partition
D’après un poème de K’iu Yuan
Commande du Conservatoire Populaire de Musique (CPM) à l’occasion de son 75e anniversaire.
Éditions PAPILLON

Création : le 5 avril 2008 • Archipel, Studio Ansermet • Genève

Maîtrise du Conservatoire Populaire de Musique

Ensemble Instrumental du Conservatoire Populaire de Musique

  • Direction : Laurent Gay

Le timbre de la Maîtrise du CPM m’a guidé vers des sonorités évoquant des rituels ancestraux, comme si quelque chose d’archaïque pouvait se transmettre lorsque les voix restent proche des origines. Ainsi, la poésie de K’iu Yuan poète chinois du IVe – IIIe av. J.C, c’est-à-dire de l’époque des Royaumes combattants, m’a paru proche de l’univers dans lequel je désirais entrer. Cette poésie semble en effet évoquer une cérémonie religieuse où une divinité de sexe indéterminé ne fait que se laisser entrevoir. Lors de la lecture du poème « l’esprit de ma montagne » dans sa traduction française de M. Yves Hervouet, révisée par M. Max Kaltenmark, j’ai découvert de nombreuses similitudes avec des tournures poétiques récentes. Comment ne pas penser, par exemple, à Maurice Maeterlinck et ses « Aveugles » lorsqu’on lit : « Le soleil est caché : il fait noir en plein jour » ? Ce jeu de correspondances entre le très proche et le très lointain a nourri mon imaginaire. Les pianos et les percussions m’ont semblé être les interlocuteurs justes pour ce rituel étrange et j’ai conçu le lien entre les voix et les musiciens comme une série de dévoilements réciproques.

L’esprit de la montagne

Il semble qu’il y ait quelqu’un au creux du mont,
Vêtu de lierre, ceinturé de cuscute.
Un léger sourire en son regard éloquent…
« Comme vous m’aimez pour être aussi gracieux ! »
Il conduit un léopard écarlate, qu’escortent des renards mouchetés.
Son char est de magnolia, le drapeau, de cannelier tressé ;
L’habit est de dendrobies, et l’asaret fait sa ceinture.
Pour mon bien-aimé j’ai cueilli tous les parfums.
J’habite en un noir bosquet de bambous, où jamais je n’ai vu le ciel ;
La route est ardue, aussi j’arrive en retard.
Solitaire je me dresse au sommet du mont ;
Les nuages sous moi glissent avec lenteur.
Le soleil est caché : il fait noir en plein jour.
Dans les rafales du vent d’Est, les dieux envoient la pluie.
J’attends l’ami lointain, sans songer au retour.
L’année touche à sa fin, qui donc me fleurira ?
Au Mont des Devins, j’ai cueilli l’amadouvier,
Dans les éboulis de rocs où grimpent les lierres.
Je hais cet homme… et, peinée, j’oublie le retour…
Vous m’aimez, mais voici que l’heure s’est enfuie…
L’hôte des montagnes, fleurant bon l’alpinie,
Boit à la source des rochers, à l’abri sous pins et cyprès.
Vous m’aimez, je le sais, mais un doute en vous subsiste.
Le tonnerre roule et gronde, noire est la pluie.
Les singes gémissent, puis hurlent à la nuit.
Le vent souffle fort et siffle dans les ramures.
Je pense à vous et ne connais que la tristesse.

by K’iu Yuan

Anthologie de la poésie chinoise classique, éditions Gallimard • Traduction française de M. Yves Hervouet, révisée par M. Max Kaltenmark