Pour contre-ténor, archiluth et ensemble instrumental

Durée : 17 ‘

D’après le sonnet XXII de Fernando Pessoa

Commander la partition

Commande du Festival Archipel
Nomenclature : 1 fl. alto (avec fl. basse), 0, 1 clar basse, 0; 1, 0, 1 ; perc., piano (avec cel.); 0,0,0,1,1
Éditions PAPILLON

Création : le 24 mars 2000 • Musiques en scène • Lyon

Ensemble Contrechamps
  • Archiluth : Matthias Spaeter
  • Contre-ténor : Christopher Robson
  • Direction : Zsolt Nagy

Cette pièce inaugure une série d’œuvres inspirées par les 35 sonnets anglais de Fernando Pessoa.

Lors de la composition de « Sonnet XXII », je me suis entouré de différentes références.

Ainsi, la musique d’Ockeghem m’interpelle par sa  » trame sonore complexe et irrésistible à partir d’un souffle léger. Il évite toute imitation, Les voix se suivent, mais chacune d’entre elles a quelque chose de très différent à dire… » Paul Hillier.

Un vers de Baudelaire du poème correspondances,  » Comme de longs échos qui au loin se confondent dans une ténébreuse et profonde unité », me parait se rapprocher de l’univers du maître flamand et faire le lien entre le temps musical et historique.

Cette idée de correspondance lointaine est également présente dans les tableaux de la série « To the sea » du peintre Cy Twombly où des écrits mystérieux à peine effleurés forment un horizon maritime. On peut ainsi revenir à Pessoa et au Sonnet XXII qui compare l’âme du poète à « quelque art égyptien plus ancien que l’Egypte, trouvé dans quelque tombe au rite indéchiffrable ».

Le choix d’un instrument essentiellement utilisé pour le répertoire des XVIes et XVIIes siècles (l’archiluth) permet, en offrant une paradoxale nouveauté due au terrain peu exploité de ses techniques de jeu contemporain, d’ouvrir aux résonances poétiques du temps si présentes dans l’œuvre de Pessoa. C’est certainement grâce à l’enthousiasme et au talent du luthiste Matthias Spaeter que cette idée a pu se réaliser. Je perçois ma pièce comme deux univers aux multiples arborescences : L’univers de l’ensemble composé de trois groupe d’instruments en confrontation avec la solitude du passé (archiluth et contre-ténor). C’est-à-dire le “ son contemporain ” face au sédiments d’histoire portés jusqu’à nous

D’autre part, en raison de la création conjointe d’une nouvelle œuvre d’Eric Gaudibert – également sur un texte de Fernando Pessoa – j’ai toujours eu à l’esprit la merveilleuse qualité sonore d’une conscience à l’orée du songe si présente dans sa musique que j’admire profondément.

Sonnet XXII

My soul is a stiff pageant, man by man,
Of some Egyptian art than Egypt older
Found in some tomb whose rite no guess can scan,
Where all things else to coloured dust did moulder.
Whate ‘er its sense may mean, its age is twin
To that of priesthoods whose feet stood near God,
When knowledge was so great that ’twas a sin
And man’s mere soul too man for its abode.
But when I ask what means that pageant I
And would look at it suddenly, I lose
The sense I had of seeing it, nor can try
Again to look, nor hath my memory a use
That seems recalling, save that it recall
An emptiness of having seen those walls.

by Fernando Pessoa

Mon âme est comme un spectacle empesé, silhouettes
De quelque art égyptien plus ancien que l’Egypte,
Trouvé dans quelque tombe au rite indéchiffrable,
Où toute chose est devenue poussière de couleur.
Quoi que signifie son sens, son âge est le jumeau
Des prêtres qui se tenaient au plus près de Dieu,
Quand connaître était vaste au point d’être un péché,
Et trop vaste l’âme de l’homme pour que l’homme soit sa demeure.
Mais quand je me demande quel est le sens de ce spectacle
Et que soudain je l’examine, je perds le sentiment
Que j’avais de le voir, et ne peux essayer de regarder encore,
Ni ne peut ma mémoire rassembler ce qui semble
Être des souvenirs, car elle ne se souvient que
Du vide sentiment d’avoir vu ces murailles

Traduction d’Olivier Amiel, Christian Bourgois Editeur

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